Entrevue avec une recruteuse spécialisée en parajuridique

Après 25 ans d’expérience professionnelle dont 15 années passées dans la même entreprise en tant que parajuriste et directrice des services d’entreprise, Chantal Émond souhaitait relever de nouveaux défis et s’orienter vers le recrutement afin de voir l’autre côté de la clôture. Il y a près de trois ans, Chantal a ainsi créé sa propre entreprise, Juriglobal inc., spécialisée dans la consultation et le recrutement pour les services juridiques. Chantal nous livre son expertise dans le recrutement parajuridique.

QUELLES SONT LES DEMANDES DE VOS CLIENTS ?

Les cabinets et les entreprises se partagent le marché du recrutement parajuridique à parts égales. Les domaines juridiques qui recrutent le plus sont le droit des sociétés (80 % des postes…) et, en ce moment, la propriété intellectuelle.

Les candidats bilingues sont particulièrement recherchés dans le parajuridique. Les critères des clients sont multiples. Les avocats exercent généralement beaucoup de pression sur les parajuristes, ils aiment ainsi travailler avec des professionnels à la fois polyvalents, débrouillards, méthodiques, organisés, disponibles et faisant preuve d’entregent. C’est ce dernier point qui fait souvent la différence entre les candidats.

La plupart de mes clients en entreprise apprécient les candidats ayant déjà une expérience en cabinet. La quantité de travail est, en effet, importante dans les cabinets juridiques, et le rythme plus intense. Gérer plusieurs mandats en même temps est une excellente formation. Débuter par une expérience en cabinet est donc un très bon atout pour un parajuriste.

QUEL EST VOTRE PROCESSUS DE RECRUTEMENT ?

Je reçois tout d’abord l’appel d’un responsable des ressources humaines. Une première rencontre a lieu pour évaluer son besoin et définir le profil de la personne qu’il souhaite recruter. Je me renseigne, par exemple, sur les personnes avec qui il a travaillé précédemment pour mieux cerner ses attentes.

Une fois ces informations collectées, je consulte ma banque de candidats, que j’ai constituée tout le long de ma carrière auprès de mon réseau juridique et que j’ai enrichie de mes rencontres, amis, références… Au cours de cette première recherche, je sélectionne les personnes qui répondent exactement au profil demandé. Avant de proposer leur candidature à l’entreprise demandeuse, je prends contact avec les candidats pour savoir si le poste les intéresse. Très souvent, je connais déjà les candidats et je les ai rencontrés auparavant, le processus se fait alors très rapidement.

Si aucune personne n’a le profil recherché, j’affiche une annonce dans des journaux spécialisés.

Je travaille seule, assistée de quelques consultants externes qui m’aident en temps voulu. Si la demande est trop forte, ce sont eux qui effectuent la première entrevue téléphonique.

Contrairement à d’autres recruteurs dans des cabinets de recrutement, je ne fais pas de « chasse » : je ne cherche pas à débaucher des personnes déjà en poste. En effet, je connais la plupart des directrices des services d’entreprise ou directrices des ressources humaines et je ne voudrais pas perdre leur confiance…

QUE REGARDEZ-VOUS DANS LE C.V. ET LA LETTRE DE PRÉSENTATION D’UN CANDIDAT ?

La première chose qui m’interpelle est la présentation du courrier et la qualité de l’orthographe. Du premier coup d’œil, on peut voir à qui on a affaire – éparpillé ou sérieux – en fonction de la forme et de la mise en pages.

Je m’intéresse ensuite à la formation et au niveau de langue. Je m’intéresse aussi à la stabilité du candidat dans ses expériences passées. Beaucoup ont tendance à rester un ou deux ans au même endroit et à effectuer un changement rapide afin d’augmenter leur salaire. Je préfère sélectionner des candidats plus stables restant en moyenne trois ou quatre ans dans leur entreprise.

Une description courte et pertinente de chaque expérience est préconisée. Un détail à ne pas négliger : les dates mentionnées doivent être claires et logiques pour aider à comprendre facilement le parcours.

Je lis ensuite la lettre de présentation pour savoir si le candidat est prêt à se lancer dans un nouveau défi. J’apprécie les lettres résumant de façon concise ce que recherche le candidat, pourquoi il choisit de postuler, quelles sont ses motivations et sa vision du poste visé. Il faut absolument éviter les lettres trop longues qui, finalement, passent à côté de l’essentiel. Malheureusement, avec la venue du courriel, les lettres de présentation se réduisent souvent à un mot d’accompagnement indiquant que le C.V. est fourni en pièce jointe…

Lors des entretiens, je n’hésite pas à commenter le C.V. et la lettre de présentation devant le candidat afin de l’aider à corriger ses erreurs et de mettre toutes les chances de son côté.

COMMENT SE DÉROULENT LES ENTRETIENS DE RECRUTEMENT EN PARAJURIDIQUE ?

Je demande au candidat de me faire un bref compte rendu de sa carrière et je parcours son C.V. en même temps. Je l’interroge ensuite pour avoir plus de précisions sur son expérience et des descriptions détaillées des travaux effectués.

Je cherche à savoir ce qu’il souhaite faire et ce qui, au contraire, ne le motive pas. Je lui demande ce qui le pousserait à accepter l’offre de mon client plus qu’une autre. Enfin, je lui pose une dernière question : ce qui ferait de lui le meilleur candidat…

L’entrevue permet au candidat de faire valoir son expérience, ses compétences et sa capacité à communiquer.

UN PARAJURISTE PEUT-IL DEVENIR JURISTE ?

Oui, un parajuriste peut même aller jusqu’au barreau. Cependant, la majorité d’entre eux reste dans le parajuridique. Même s’il s’agit du même secteur d’activité, le métier d’avocat est, en effet, complètement différent.

La trajectoire traditionnelle d’un parajuriste est plutôt de débuter en cabinet pour finir sa carrière en entreprise. Généralement, les responsabilités sont accrues et le travail est plus varié en entreprise. Après plusieurs années d’expérience, un parajuriste peut aussi devenir directeur de services d’entreprise.

QUELLES SONT LES NOUVEAUTÉS DANS LE SECTEUR PARAJURIDIQUE ?

La propriété intellectuelle et les marques de commerce sont des thèmes juridiques en pleine expansion. Plusieurs cabinets en font leur spécialité, et on compte de plus en plus de parajuristes spécialisés dans ce type d’affaires.

Il est aussi intéressant de noter une hausse du nombre moyen de parajuristes en cabinet. Auparavant, les grands cabinets travaillaient avec 5 à 6 parajuristes en interne, maintenant il n’est pas rare d’en compter 12 à 15 dans le secteur du droit des sociétés.

COMMENT SE PORTE LE MARCHÉ DU TRAVAIL DANS LE PARAJURIDIQUE ?

Le marché se porte très bien ! En ce moment, on constate même une pénurie de parajuristes en droit des sociétés et en propriété intellectuelle. La plupart des jeunes diplômés se dirigent vers le litige à la sortie de leurs études, pour une question de confort, car il s’agit de la spécialité la plus détaillée durant la formation de parajuriste. Le ministère devrait se préoccuper de cette question et changer la répartition des cours parajuridiques pour mieux valoriser les spécialités recherchées.

Avec le renforcement de la demande, les salaires des parajuristes ont augmenté. La formation professionnelle est également de plus en plus courante. Les cabinets permettent souvent aux parajuristes d’être formés ou d’assister à des conférences.

Le métier de parajuriste est aujourd’hui davantage valorisé. Il arrive même aux cabinets d’embaucher un parajuriste plutôt qu’un avocat débutant ! Le parajuriste coûte, en effet, beaucoup moins cher, et son expertise technique est un atout précieux pour certains types de postes…

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